Ode aux images fantômes

Dans le monde occidental, on parle souvent de démons, mais dans notre pays natal, nous les appelons des fantômes. Cette différence linguistique m'a longtemps intrigué, car je me retrouve souvent à attribuer mes luttes et mes préoccupations à ces êtres spectraux. C'est peut-être parce que les fantômes partagent des similitudes avec l'obscurité qui réside dans nos cœurs. Invisibles mais toujours présents, ils se profilent à la périphérie, attendant une occasion de s'infiltrer et de nous dépasser. Cet aspect autodestructeur de nous-mêmes reste impénétrable et hors de notre contrôle, comme une créature qui se cache dans l'ombre pendant la journée, dissimulée sous des apparences agréables et des sourires nostalgiques. Nous aspirons à enterrer ce démon intérieur, à le cacher afin que personne ne puisse témoigner de son existence.

Pourtant, dans les moments de solitude, nous pouvons sentir sa présence, entendre ses pas doux alors qu'il se déplace dans la nuit, se rapprochant de plus en plus. Et puis il descend sur nous, nous engloutissant dans un abîme aqueux qui nous laisse impuissants et à la dérive. C'est dans ces moments que nous pleurons et confrontons le paradoxe de notre identité : cette présence fantomatique en nous est à la fois nous et pourtant totalement inconnue.

Qui parmi nous ne possède pas cette obscurité dans son cœur ? C'est une expérience humaine universelle, une réalité que nous devons tous affronter à notre manière. Pourtant, en reconnaissant son existence, nous pouvons commencer à rogner sur son pouvoir, à le confronter à la plénitude de notre être et à émerger de l'autre côté plus fort et plus conscient de soi.